Épisode 3 – Audrey : Un long trajet

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            Je ne vis qu’à seulement quatre heures d’avion de mes parents et pourtant le trajet me semble interminable. Dans la précipitation, j’ai fourré mon bagage à main de tout et n’importe quoi. Mais peu importe, il me suffira de racheter ce dont j’ai besoin sur place. Meg, l’employée de maison de mes parents, sera ravie de pouvoir nous aider d’une manière ou d’une autre dans ces circonstances. Heureusement, arrivée à l’embarquement, j’ai eu le réflexe de prendre contact avec Malcom afin qu’il vienne me chercher à l’aéroport. Il aurait été hors de question que je perde un temps interminable à attendre un taxi alors que le chauffeur de mon père peut me faire gagner ce temps si précieux.

            Mes doigts tapotent sur l’accoudoir, l’avion ne peut pas aller plus vite qu’il ne le fait et pourtant mon impatience est incontrôlable. Chaque heure compte, peut être même chaque minute. Je ne veux pas laisser ma mère seule face à cette tragédie, je ne veux pas laisser mon père partir sans lui avoir susurré à l’oreille de se battre, pour moi, pour Maman, pour son entreprise. C’est un excellent P.D-G, ses employés comptent sur lui, des milliers de familles dépendent du salaire gagné au sein de Preston Industry. Mon père m’a élevée dans cet état d’esprit. Les employés font notre réussite et nous faisons vivre nos employés.

            Malgré notre fortune et notre rang, nous sommes une famille unie. Mes parents sont tout pour moi comme je suis tout pour eux, surtout pour mon père. Je suis sa princesse et le resterai toujours. Je veux voir son visage s’illuminer lorsque j’apparais dans son champ de vision, voir ses lèvres sourire, ses yeux briller et l’entendre me dire : « Ma fille, ma princesse, la plus belle. »

            Jamais un homme n’a su m’aimer comme lui. Jamais aucun n’a su l’égaler. Et je réalise que jamais je n’ai rencontré d’homme aussi droit et honnête que mon père. L’amour n’a toujours été pour moi que souffrance et trahison. Et pourtant, à chaque fois, j’y ai cru. Naïvement. Stupidement.

            Une larme rafraîchit mon cou, je serre mon mouchoir un peu plus fort avant de l’utiliser pour essuyer mes pleurs silencieux derrière mes lunettes de soleil. L’hôtesse de l’air me surprend en venant m’offrir une nouvelle coupe de champagne que j’accepte avec plaisir. Pourtant son goût me parait bien fade aujourd’hui. En temps normal, j’adore sentir le vin pétiller sur ma langue, tout comme j’adore ce petit goût très légèrement fruité, sur fond d’agrumes. En temps normal, je tremperais simplement mes lèvres par plaisir, je refuserai même de boire le matin, ne serait-ce que pour mon teint. Mais je m’en fou. Complètement. Mon père est au plus mal, j’ai besoin de tenir le coup, besoin de me décontracter. Et rien à foutre de ma carrière… Et puis à mon âge… sans Richard.

            Une boule dans la gorge m’empêche de déglutir correctement. J’avale de travers et manque de m’étouffer. Lorsque je me reprends après avoir toussé de longues secondes, l’hôtesse s’approche avec précaution.

— Tout va bien, Madame ?

— Oui, ça va, merci.

— Désirez-vous un verre d’eau ? me propose-t-elle.

— S’il vous plaît.

            Elle s’empresse de me satisfaire. J’attrape le verre et m’apprête à prendre quelques gorgées, mais c’est plus fort que moi, je dois lui demander.

— Excusez-moi, j’interpelle l’hôtesse. Dans combien de temps allons-nous arriver ?

            Elle consulte sa montre et prend une seconde pour faire le calcul avant de me répondre.

— Nous devrions atterrir dans une heure vingt, Madame.

— Parfait, merci.

            Encore une heure vingt de torture. Sans compter l’aéroport à traverser. Je me félicite de ne pas avoir de valise à récupérer. Je porte mon verre à mes lèvres et me remplis de cette eau comme pour essayer de me noyer.

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